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Quelle politique industrielle fonctionne?

Ce que l’ambassadeur de Suisse aux Etats-Unis pourrait retenir de son mandat qui s’achève. Par Xavier Comtesse



L’ambassadeur Jacques Pitteloud, qui va quitter Washington, a récemment déclaré: «Les Etats-Unis sont en pleine révolution technologique et industrielle.» Bien sûr, il voulait parler de l’intelligence artificielle (IA), mais il faudrait aussi évoquer l’Inflation Reduction Act et le Chips and Science Act promulgués tous les deux en 2022.


Ces lois ont attiré les entreprises high tech du monde entier grâce à des incitations fiscales et des subventions directes massives pour les énergies renouvelables, les véhicules électriques, les batteries et les fabricants de puces électroniques et autres technologies à faible émission de carbone. Ce plan doté de 369 milliards de dollars fonctionne superbement bien. TSMC, Samsung, Siemens, ABB, pour ne citer que quelques grandes entreprises mondiales, aux côtés des américains comme Tesla, Nvidia ou Texas Instrument, ont reçu des milliards de subventions. Cette politique industrielle américaine qui veut redonner à l’Amérique sa grandeur d’antan marche bien, des centaines d’entreprises ont bénéficié de cette aide. L’Amérique est de retour.


Que faut-il en penser pour un pays comme la Suisse, qui n’a pas officiellement de politique industrielle?


D’abord que la politique, qui façonne notamment la société par la promulgation de lois, influence grandement celle-ci. Elle fixe rarement un cadre de liberté mais bien souvent un carcan de contraintes. La politique ainsi dicte le jeu. Ensuite, les acteurs économiques, y compris les consommateurs, vont exercer tant bien que mal leur libre arbitre dans cet environnement strict. De toute évidence, tout est largement orienté. Alors pourquoi ne pas le dire et donc le faire. Les Américains, eux, ne s’en privent pas.


En Suisse, on a largement privilégié une stratégie de l’innovation genre bottom-up avec des investissements importants dans les hautes écoles, (ETHZ en tête) dans les centres de recherche (Paul Scherrer, CSEM, etc.), les start-up et Innosuisse. Pour faire simple, on a alimenté la base plutôt que le haut (les entreprises). Du coup, Berne n’a pas de politique industrielle, d’ailleurs il n’existe aucun office pour l’industrie comme celui de l’agriculture! C’est la première erreur, car tout est acte politique même une absence d’action.

Le frein à l’endettement n’est pas une chose à prendre à la lettre

La seconde erreur est de croire qu’on est dans un jeu à somme nulle, où la somme des gains et des pertes de tous les joueurs est égale à 0. C’est-à-dire, pour interpréter cela au niveau gouvernemental, si je donne de l’argent à un secteur alors je dois le prendre à un autre. Mais c’est oublier que certains investissements d’aujourd’hui peuvent rapporter gros demain.

C’est là la faille du système politique suisse: le frein à l’endettement n’est pas une chose à prendre à la lettre. Il y a des secteurs rentables à terme. On devrait pouvoir investir à perte aujourd’hui pour des gains importants demain.


C’est la principale leçon que notre ambassadeur aux Etats-Unis aurait dû faire dans sa déclaration d’adieu: «L’Amérique relance sa révolution industrielle en investissant lourdement dans l’avenir.» Tout le monde le sait bien, l’industrie a un potentiel multiplicateur important sur l’économie d’un pays que l’agriculture n’a évidemment pas. Il faut investir où cela rapporte!


Article par Xavier Comtesse, publié dans l'AGEFI

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