[SÉRIE D'ÉTÉ 3/8] Zurich recherche industriels désespérément

Zurich, une longueur d’avance (3/8). Cet été, Xavier Comtesse et Philippe Labouchère dressent le portrait de la capitale économique du pays et en tirent des enseignements pour la Suisse romande.

Un article disponible dans l'AGEFI : https://agefi.com/actualites/opinions/zurich-recherche-industriels-desesperement

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Le «Smart City Lab» de Zurich s’est installé en pleine ville dans les anciens ateliers industriels des CFF juste à côté des lignes ferroviaires. Il s’agit d’un centre de réflexion destiné à renouveler le tissu économique et industriel de la ville. Très orientés vers le futur, ses acteurs ont essayé de faire revenir l’industrie dans ces anciens ateliers entièrement rénovés, mais c’est un échec. Ils ont finalement dressé un bilan amer: «Quand l’industrie part, elle ne revient plus jamais!» Et Donald Trump ferait bien de s’inspirer de cette réalité.

En fait, il vaut mieux regarder vers l’avenir. La société évolue, l’économie aussi et les écosystèmes avec eux, comme d’ailleurs les travailleurs et leur savoir-faire. Toute la chaîne de la valeur bouge en permanence.

Ainsi, souvenons-nous que quand l’aciérie, l’industrie lourde, est partie, elle n’est jamais revenue. Et ceci, nulle part ailleurs. Il faut faire avec, ce n’est pas une fatalité. «Allez de l’avant!», semble plutôt nous dire l’histoire économique. Donc regardons vers l’avant et là, l’intelligence artificielle (IA) s’impose.

Zurich est avant tout un haut lieu de la recherche publique et privée qui, ensemble, avec les grandes entreprises et les start-up, s’active notamment dans le domaine de l’IA. Les acteurs foisonnent. Tout ce beau monde coopère avec méthode et pragmatisme pour en faire un levier de compétitivité, d’utilité et de croissance.

Dans le canton, on investit massivement dans une IA spécialisée et connectée aux réalités du terrain

Dans le canton, on investit massivement dans une IA spécialisée et connectée aux réalités du terrain. Plutôt que de viser la course à la taille, l’écosystème privilégie des cas d’usage précis: drones d’assistance pour les secours (Fotokite), IA explicable pour les domaines sensibles (Ethon.ai) ou accompagnement des PME (AI Sandbox). On cherche à résoudre des problèmes réels, en proximité directe avec les utilisateurs finaux.

A Zurich, l’intelligence artificielle n’est pas centralisée. Elle circule entre les pôles académiques (ETH AI Center, ZHdK, la haute école d’arts), les grands groupes (Google, Microsoft), les institutions publiques (Smart City, DIZH) et les structures citoyennes ou open source (Liip, Open Data Government). Cette gouvernance distribuée permet une innovation fluide, coordonnée, mais sans lourdeur. C’est un écosystème horizontal où la sous-traitance n’est pas la norme. Il y a plutôt une alliance entre égaux!

L’IA zurichoise agit aussi sur plusieurs leviers dans une approche interdisciplinaire: la formation (valorisation des parcours atypiques et autoapprentissage), la propriété intellectuelle (enjeux liés aux contenus générés par l’IA) et l’articulation avec les arts et le design (projets à la ZHdK, ZCCE, le Zurich Centre for Creative Economies). L’IA devient une infrastructure culturelle et stratégique à part entière.

Dans la première ville du pays, on assiste à une IA du «dernier kilomètre» (last mile): ciblée, concrète et utile. La gouvernance est distribuée entre acteurs publics et privés. L’apprentissage devient continu, hybride et autodirigé. Le dialogue entre IA, arts, éthique et société se tisse et crée des ponts. Ces signaux esquissent un futur dans lequel l’IA ne se décrète pas: elle se construit à hauteur d’humain.

La Suisse romande devrait s’en inspirer. Il ne faut pas regretter les verreries de Saint-Prex mais penser à accélérer l’adoption de l’IA, aussi à l’échelle locale. Il s’agit assurément d’une des grandes révolutions sociétales de notre temps. Foncer plutôt que freiner!

Par Xavier Comtesse et Philippe Labouchère