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L’innovation change de paradigme, son financement aussi

L’IA bouleverse les habitudes. A l’Etat aussi de s’adapter. Par Xavier Comtesse



Une start-up du parc scientifique de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) est devenue discrètement une sorte de «game changer» du monde de l’innovation. En utilisant l’intelligence artificielle (IA), elle est capable d’identifier dans des bases de données de brevets ceux qui sont encore libres de droit pour ensuite déposer autant de brevets possibles pour dominer n’importe quel espace technologie, comme déposer 200 brevets dans le domaine des éoliennes.


Comment cela marche-t-il?

Tout simplement, l’IA scanne tous les brevets existants du domaine, trouve les trous laissés libres par les brevets existants, formalise et dépose finalement d’autres brevets. C’est un système automatique voire autonome. On entre dans une nouvelle ère: celle de l’IA.


Mais l’innovation d’aujourd’hui avait déjà connu des évolutions radicales. En moins de 100 ans, on est passé grosso modo à travers quatre stratégies différentes.


Voici une explication rapide de ces mouvements de fond qui se sont superposés sans vraiment s’annuler et qui ont dessiné la société moderne dans son ensemble, notamment pour la Suisse qui a beaucoup misé sur l’innovation. Rappelons que le pays est depuis quelques décennies dans le peloton de tête des pays les plus innovants.

Dans les années 1960, la Silicon Valley donnera l’impulsion à une autre nouveauté, celle des start-up avec en quelque sorte une externalisation de l’innovation

La première étape de l’innovation, depuis le XIXe siècle jusque vers les années 1940-1950, était organisée autour d’une personnalité dépositaire du projet à l’instar de Marie Curie (radioactivité), Alexandre Graham Bell (téléphone) ou plus près de chez nous George de Mestral (velcro). Tout le système de l’invention ou de la découverte s’organisait autour d’une personnalité, aidée certes d’une équipe, mais dont la propriété intellectuelle, les brevets et la demande de financement lui appartenaient.


Avec la Seconde Guerre mondiale, une grande nouveauté va marquer un changement notoire, celui du projet Manhattan de la bombe atomique. Le nombre de chercheurs et la masse critique qu’il représentait allaient influencer les systèmes d’innovation dans le monde entier. On passe à une vision de grands centres comme la Nasa, le Cern, etc. Les entreprises suivront comme IBM à Rüschlikon ou le centre Nestlé de Vers-chez-les-Blancs. L’institut Paul Scherrer, le Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM) naîtront aussi dans la foulée de cette volonté.

Puis la Silicon Valley, qui a commencé dans les années 1960, donnera l’impulsion à une autre nouveauté, celle des start-up avec en quelque sorte une externalisation de l’innovation basée sur l’agilité des jeunes chercheurs dans leurs garages et cherchant l’effervescence créative pour amener la découverte à température critique. Les structures de l’innovation vont changer radicalement au profit du venture capital, des clusters (spécialisation territoriale) et de la propriété intellectuelle, cette fois-ci cédée à la start-up. La Suisse et les cantons créeront une palette de structures d’accompagnement.


Il y a plusieurs décennies sont apparues de nouvelles structures désignées par le terme générique d’incubateur, qui correspondent à un désir d’accompagnement de ces jeunes entreprises. Que ce soit des parcs scientifiques, des technopoles ou des hubs, ils ont en commun la volonté de créer des effets de synergie hyperlocale. En Suisse, on créera Innosuisse pour financer ce mouvement.


Mais voilà qu’avec l’arrivée de l’IA tout change une fois encore, car celle-ci est un puits sans fond pour l’innovation et va bouleverser nos habitudes. Les pouvoirs publics qui avaient accompagné les formes d’organisations précédentes notamment avec le Fonds national suisse puis les Programmes prioritaires et enfin Innosuisse devront s’atteler à inventer la suite… Cela va être «challenging».


Article par Xavier Comtesse, publié dans l'AGEFI

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