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Xavier Comtesse

Swiss Smart Factory - l'usine du futur 4.0

« Switzerland Innovation Park Biel/Bienne »



Photographie de Thierry Parel

Andreas Fries & Dominic Gorecky


À Bienne, il y a un nouveau bâtiment appelé « Switzerland Innovation Park Biel/Bienne ». Flambant neuf, ce bâtiment abrite une chose extraordinaire : l'industrie y teste l'usine du futur. Que ce soit du data processing plateform, du 3D printing, du big data, de l'IoT, de l'intelligence artificielle (IA), de la cobotique, etc., tout y est rassemblé et prêt à être utilisé. À mi-chemin entre un centre de recherche et un centre d'apprentissage, mais aussi à mi-chemin entre un lieu d'expérimentation pour y lancer des projets privés/publics et un lieu de rencontre pour échanger des savoir-faire.

Ce centre est le « couteau suisse» de l'industrie 4.0.

Il a tout pour tester le futur. Et surtout du digital, car ne l'oublions pas, l'avenir se forge dans le métal du numérique.


Le bâtiment est conçu pour et par les entreprises.

C'est un bottom-up à la suisse. Il est ouvert à tout le monde entrepreneurial et devrait servir pour la formation, la recherche et le développement commercial. Il sera avant tout un lieu d'avenir où les jeunes ingénieurs rencontreront leurs semblables pour accomplir leurs rêves: produire l'impensable.


C'est ce que tout le monde attend : la rupture!

Les Suisses ont toujours été excellents dans l'innovation incrémentale, celle du perfectionnisme et de l'amélioration. On est d'ailleurs numéro 1 mondial dans tous les classements de l'innovation ou de la compétitivité pour cette raison. Mais sur la question de la rupture (celle de l'innovation qui change tout, qui crée un avant et un après), il faut l'avouer, ce n'est pas. notre vraie force et le centre de Bienne pourrait peut-être changer la donne. Car la « rupture en innovation vous donne un avantage compétit indéniable et souvent pour plusieurs années.


De plus, dans quelques années, le « parc d'innovation» sera accolé à une HES créant encore plus de synergie avec les milieux académiques. Cette synergie privée/publique est le cœur de l'innovation moderne car elle permet aux grandes écoles (HES, UNI, EPF) de prendre des risques et aux entreprises d'industrialiser et de commercialiser ces risques (découvertes). C'est ce mariage de raison qui a fait la force d'innovation de l'Amérique. Il faut s'en inspirer.


Entretien avec Dominic Gorecky

Posons quelques questions à Dominic Gorecky, directeur de la Swiss Smart Factory (située au cœur du parc), car il sait de quoi il parle. Cet Allemand est actif depuis plus de dix ans dans ce que l'on appelle la révolution industrielle 4.0. Il en a accumulé les savoirs et les réseaux. Il est un des grands atouts du projet de Bienne.


La Swiss Smart Factory est à la fois un réseau, une plateforme de démonstration mais également un centre de recherche et de compétences. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?


Dominic Gorecky (D.G.) : La numérisation est un phénomène de grande ampleur qui ne se limite pas à une seule entreprise. Son impact atteint en effet tous les secteurs et toutes les chaînes de création de valeurs. Dans ce contexte, une approche interdisciplinaire combinant les technologies les plus variées - solutions auto-ID, liaison au cloud, apprentissage machine et solutions modernes de visualisation pour n'en citer que quelques-unes - est requise. Difficile, en particulier pour les PME, de maîtriser seules ces sujets. C'est à ce niveau que notre réseau et nous-mêmes intervenons et proposons des compétences complémentaires. Des hautes écoles, des PME et de grandes entreprises technologiques telles que SAP, Festo, Fanuc, Siemens, qui coopèrent activement à des projets de numérisation très divers, en font partie.


Et que se passe-t-il précisément sur ces 1'000 m? où vous mettez votre infrastructure à disposition ?


D.G. : La recherche à long terme sur le thème de la numérisation et de l'«industrie 4.0 » requiert la présence, en Suisse, d'une infrastructure de démonstration, de test et de recherche soutenant la comparaison avec l'étranger. C'est la raison pour laquelle nous allons bientôt démarrer la construction d'une plateforme de démonstration intégrée au réseau sur le thème industrie 4.0, qui se distinguera par sa haute flexibilité. Elle réunira des systèmes d'automatisation et d'interactions homme-machines ultramodernes et devrait devenir un modèle pour la place industrielle suisse.


Comment la collaboration avec une entreprise se met-elle en place ?

D.G. : Les entreprises viennent nous consulter et nous soumettre leurs problèmes - généralement bien concrets. Tout d'abord, nous les écoutons attentivement et essayons de comprendre le but qu'elles se proposent d'atteindre. Puis, nous examinons comment la Swiss Smart Factory et son réseau peuvent contribuer à la réalisation de cet objectif. Il pourra alors s'agir de nouveaux développements, mais estet déta d'une combinaison de technologies existant ale, et de solutions nouvelles. De manière générale, nous privilégions les solutions globales, axées sur la pratique.


La Swiss Smart Factory existe depuis mai 2017. Quel accueil l'industrie et la recherche lui ont-elles réservé jusqu'à présent ?

D.G. : La Swiss Smart Factory suscite un intérêt énorme dans les milieux industriels et poli-tiques, tant en Suisse qu'à l'étranger. Nous sommes particulièrement ravis des nombreuses demandes de projets et d'adhésion de PME suisses qui nous sont adressées. Notre réseau s'étend très rapidement. Il est par ailleurs très diversifié. Le fait que des PME y soient présentes montre que la numérisation recèle des opportunités pour toutes les entreprises - quels que soient leur taille et leur secteur d'activité. l'irai même jusqu'à dire qu'elle permet littéralement à certains de nos partenaires de se réinventer en version numérique.


La Swiss Smart Factory a déjà mené à bien plus d'une dizaine de projets d'innovation.

Ont-ils déjà donné naissance à des produits concrets (prototypes) ?

D.G. : Les projets d'innovation nous permettent de développer de nouveaux produits et de nouveaux services en collaboration avec les entreprises. À titre d'exemple, nous pouvons citer un résultat particulièrement impressionnant obtenu en coopération avec la firme Hauert HBG Dünger AG. Ensemble, nous avons en effet développé un nouveau processus automatisé pour l'apport d'engrais aux plantes en pots. À l'origine du projet se trouve un robot, déjà présent aux États-Unis, pour lequel nous avons mis au point un second robot. Les deux dispositifs communiquent et travaillent ensemble, l'un transporte les plantes, l'autre leur apporte de l'engrais. Grâce à ce système, Hauert s'est vu remettre la récompense « Nouveautés techniques » à l'occasion de l'ÖGA (foire professionnelle de la branche verte).


Quelle impulsion la Swiss Smart Factory va-t-elle apporter au site économique du canton de Berne ?

D.G. Le canton de Berne fait partie des grands cantons industriels. En tant que tel, il est prédestiné au développement de la numérisa-tion. Notre vision, avec notre réseau, est de devenir le leader de la numérisation et de l'industrie 4.0 en Suisse. Notre mission est quant à elle d'inscrire durablement la Swiss Smart Factory dans l'écosystème d'innovation bernois et suisse, déjà largement reconnu hors de nos frontières.


Conclusion

L'industrie 4.0 est née - comme concept - il y a plus de dix ans à la foire de Hanovre. Depuis, les industriels ont bougé. Lentement au début, puis de plus en plus rapidement. Ainsi, la Suisse semble finalement se donner les moyens d'inverser la tendance négative du numérique. Elle avait pris du retard (la pandémie l'a révélé). Elle réagit dans la résilience. Mais ne soyons pas trop pessimistes, car les choses bougent vraiment dans ce pays. Ce n'est pas seulement du discours, c'est du béton. La Suisse construit son avenir comme toujours avec lenteur mais consciencieusement et irrémédiablement.


Cependant, trois écueils peuvent encore apparaître :


1.⁠ ⁠la difficulté de maîtriser les applications de l'IA par les entrepreneurs qui ne voient pas toujours à quel point les data conduisent le monde;


2.⁠ ⁠le bouleversement entraîné par l'économie des plateformes (surtraitance par opposition à la sous-traitance largement répandue dans ce pays des PME/PMI) et l'apparition de grands groupes qui dictent le jeu;


3.⁠ ⁠et l'importance de la redondance dans le retail ou la supply chain (à savoir l'absolue nécessité d'avoir des plans B et C).


On peut ainsi dire que le plus grand effort demandé aux patrons d'entreprises est de changer de mindset, de mentalité, de logiciel de réflexion. La quatrième révolution industrielle nécessite en effet de revoir complètement tout: de la conception des produits à la vente, des processus de fabrication à la supply chain, des métiers aux consom'acteurs, des clusters aux écosystèmes.

En ce sens, des lieux d'expérimentation comme la Swiss Smart Factory sont parfaitement propices pour tester ces changements.


Embrayer sur l'industrie 4.0 n'est donc pas une option, c'est une obligation. Il n'y a vraiment pas de choix. C'est peut-être le message le plus fort à faire passer auprès des industriels de ce pays. Regarder faire, c'est se condamner rapidement à ne plus rien pouvoir faire.


Par Xavier Comtesse pour le livre École 4.0, 2022




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