Nouvel épisode de la série d’articles sur l’excellence entrepreneuriale romande. Après Rolex, Nespresso et Felco voici MSC. Par Xavier Comtesse et Philippe Labouchère
Un article disponible dans l'AGEFI : https://agefi.com/actualites/opinions/msc-un-geant-des-mers-qui-a-son-port-dattache-a-geneve
Le modèle d’affaires est risqué: des investissements colossaux pour jouer dans la cour des grands et des marges extrêmement faibles sont la réalité du milieu.
Les années Covid ont changé la donne. MSC (Mediterranean Shipping Company), basée à Genève depuis 1978, est devenu numéro un mondial du transport maritime de conteneurs pendant ces années-là. Un exploit pour une société suisse sans accès à la mer! Avec un chiffre d’affaires estimé à environ 83 milliards de francs en 2022, dont 35 de bénéfices, l’entreprise helvétique a réalisé des chiffres records pendant la pandémie et après. En 2022, elle a transporté presque 16 millions de conteneurs faisant d’elle le propriétaire de la plus grande flotte du monde. Aujourd’hui l’entreprise semble se diversifier tous azimuts. Elle a même investi dans le médical. Nous allons tenter de comprendre cette fabuleuse histoire.
Un modèle d’affaires risqué
MSC s’est d’abord concentré sur le transport de conteneurs pour devenir numéro un mondial dans le domaine. Le modèle d’affaires est pourtant risqué: des investissements colossaux pour jouer dans la cour des grands et des marges extrêmement faibles sont la réalité du milieu. Beaucoup de capitaux mobilisés pour peu de rendement n’intéressent pas grand monde. Ainsi les Anglais ont abandonné le secteur il y a près de 50 ans pour aller vers des sociétés de services, d’autres les ont suivis comme la famille Latsis installée elle aussi à Genève, qui œuvre aujourd’hui dans la banque.
Pour rester compétitif dans le transport de conteneurs, il faut voir grand, très grand et viser des économies d’échelle sur les volumes, l’exploitation, les itinéraires, etc. Gagner des parts de marché et profiter d’un coup de chance: comme l’explosion des prix du fret lors des années Covid, après des périodes de vaches maigres qui ont suivi la crise de 2008, a été très profitable à MSC mais aussi à CMA/CGM et Maersk, ses plus proches concurrents.
Une diversification heureuse
Aujourd’hui, MSC fournit un réseau large de ressources de transport maritime, routier, ferroviaire (par exemple récente participation au capital de l’opérateur ferroviaire italien de transport de passagers Italo) et portuaire (par exemple la moitié du capital du port de Hambourg) qui permet d’atteindre n’importe quel client ou presque. Son acquisition des opérations de l’entreprise Bolloré reflète également ses ambitions sur le continent africain.
Les dizaines de milliards gagnés ont été ensuite réinvestis pour élargir les activités traditionnelles afin de couvrir l’ensemble de la chaîne logistique, du transport maritime au terminal portuaire et au-delà. Porte-conteneurs, transport de passagers (MSC Cruises), de marchandises, de voitures, navires spécialisés, opérateur logistique (Medlog): l’entreprise a su se diversifier pour devenir plus résiliente et multiplier ses vecteurs de croissance.
Diversification toujours
Elle a même lancé un service de fret aérien (MSC Cargo) ces dernières années ou a encore racheté Mediclinic, groupe privé international de services de soins. L’ancien directeur des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), Bertrand Levrat, qui les a rejoints ne s’y est pas trompé.
Gouvernance familiale
Avec la famille Aponte à la barre, l’entreprise n’a pas besoin de publier de chiffres ou d’informations sensibles. Ne pas dépendre d’actionnaires étrangers permet à MSC de poursuivre une vision à long terme. Les décisions sont prises rapidement, de concert avec la famiglia aux rênes de l’empire qui a préféré la Suisse à l’Italie pendant les années de plomb, marquées par des attentats et des enlèvements dans la péninsule.
Par Xavier Comtesse et Philippe Labouchère pour l'AGEFI