TAVANNES WATCH CO: « UNE GRANDE HISTOIR E OUBLIÉE »
Photographie de Dimitri Känel
Des débuts prometteurs
Henri Frédéric Sandoz, le fondateur de la Tavannes Watch, est né au Locle en 1851 ; il y fit ses études élémentaires, puis à l’âge de 13 ans, il entra en apprentissage dans un atelier d’emboîtage, où il devint bientôt un ouvrier remarqué. En 1869, à 18 ans, il s’établissait comme emboîteur. Le milieu loclois était à l’époque stimulant. La ville possédait une librairie, digne de celles que l’on trouvait à Paris ou à Londres. La région tout entière était une pépinière à inventeurs. Profitant d’une offre exceptionnelle de la commune de Tavannes, à savoir une usine clé en main, Sandoz fit une offre et gagna la compétition. Il s’installa avec quelques horlogers qu’il fit venir du Locle. Commença alors, en 1891, une aventure extraordinaire qui allait mener Tavannes Watch au firmament de l’horlogerie suisse, voire mondiale. La mécanisation de la fabrication allait être l’arme du succès.
Les précurseurs américains
En 1878, l’Exposition universelle de Philadelphie consacre, dans son palais de l’industrie, une place de choix à la première machine-outil dédiée à l’industrie horlogère et présentée par la Waltham Watch Company. Les horlogers suisses venus en délégation aux États-Unis vont être sidérés par cette invention. Ils produiront sous la plume du radical Jacques David un rapport à l’intention des autorités demandant un réveil urgent de la profession. La menace était sérieuse car les Américains étaient sur le point de produire plus de montres. Longines d’abord puis plus tard « Tavannes Watch » se lancèrent dans l’aventure industrielle. Fini les établis ruraux et vive les usines urbaines. Les conditions spécifiques de travail avec la machine créent la division du travail. En e!et, en face de chaque machine-outil se trouve un ouvrier (ou éventuellement plusieurs). Le travail est divisé par la machine, la production s’organise à la chaîne. Ce système entraîne une grande efficacité mais aussi beaucoup de frustrations sur les conditions de travail et d’injustices sur la répartition des richesses ainsi créées. Débute alors toute une série de luttes ouvrières qui menèrent la Suisse bien plus tard au concept de la paix du travail (1937). Une sorte de négociation permanente par secteur.
Des hauts et des bas en milieu horloger
En 1907, Tavannes Watch tourne à plein régime, 1'800 montres sortent chaque jour de ses ateliers mécanisés, plus de 800 ouvriers et ouvrières y travaillent. Le centre industriel de Tavannes avait une renommée mondiale. Rapidement, un département de développement mécanique fut installé dans l’enceinte de l’usine afin d’améliorer les machines achetées aux Américains mais surtout de développer ses propres machines liées aux besoins nouveaux de cette industrialisation naissante. Dans la foulée la société Tavannes Machines fut créée. Elle produira plus de 2 000 machines-outils jusqu’en 1930. Ainsi, l’industrie de la machine-outil était née dans le Jura. Son essor aujourd’hui dépend de ce moment de rupture historique.
Cependant, après avoir inventé mille choses (dont la montre étanche), développé des réseaux commerciaux nouveaux sur les cinq continents, petit à petit son règne a pris fin. Tavannes Watch s’est en quelque sorte effacé devant l’histoire tout en l’ayant créée.
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