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IA & loi : différences entre soft law et hard law


La quatrième révolution industrielle, celle de l'IA, déploie petit à petit ses effets. Cependant, qu'en est-il de l'innovation juridique qui avait accompagné les révolutions précédentes ?


Souvenons-nous que la première révolution a permis l'émergence de la SA (société anonyme) et du Code des obligations. La deuxième, avec l'internationalisation du commerce et de la sous-traitance, définira un droit nouveau, dit « droit international». La troisième, celle de la machine-outil à commande numérique, autrement dit celle des robots, de l'informatique et d'Internet, apportera les soft laws telles que les normes ISO ou les RFC (Request for Comments) pour Internet.

Le droit, à chaque révolution, semble devenir plus soft ! Qu'en est-il pour la quatrième révolution industrielle ?

Quelles sont les différences entre soft law et hard law?

D'abord, il faut noter qu'il existe plusieurs interprétations de la notion de soft law. La doctrine internationale a élaboré cette catégorie, qui s'est ensuite répandue dans le contexte juridique européen et national.


D'ailleurs, la doctrine n'est pas unanime sur la manière dont il faut entendre la dichotomie entre soft law et hard law. En effet, plusieurs théories se sont affirmées sur l'interprétation et les éléments constitutifs de cette dichotomie au niveau international, européen et national. De manière générale, l'un des éléments qui distinguent les deux catégories concerne l'absence de force contraignante de la soft law au niveau exécutoire et sanctionnable. Parmi les autres,

on peut citer Snyder (1994) qui a constaté que la soft law est une catégorie englobant des « règles de conduite qui, en principe, n'ont pas de force juridiquement contraignante, mais qui peuvent néanmoins avoir un effet pratique », et ensuite Cassese (2005) qui a inclus dans la soft law des « règles techniques, engagements, déclarations communes ou déclarations de politique ou d'intention 20 ». Par conséquent, dans la catégorie de la soft law tombent toutes les règles du droit qui ne sont pas obligatoires, mais qui expliquent des effets juridiques pratiques, comme les effets d'influencer le comportement des États, des institutions, des entreprises et des particuliers.


Il est intéressant de noter comment cette dichotomie a été reprise dans le cadre de l'IA par la

Commission européenne, à la suite de la publication du Livre blanc. Lors de la proposition d'un acte juridique établissant les exigences pour 'IA, la Commission a fourni un éventail de quatre options politiques à suivre pour régler l'IA. Ces options suivent une logique d'intervention progressive, allant d'une approche exclusivement soft law à une approche hard law, qui consiste à adopter une législation globale sur l'IA au niveau de l'UE. Comme on peut le constater, les catégories de soft law et hard law sont toujours impliquées dans les enjeux politiques ainsi que juridiques.


Historiquement, on passe toujours du soft au hard... Y a-t-il des exemples contraires ?

Il est difficile de penser à un processus inverse, car la transition de soft law à hard law est naturelle. La soft law aborde des exigences qui ne trouvent pas encore de réponses dans le hard law.


Parfois, la soft law vise à avancer un processus d'harmonisation et de coordination qui sera mis en œuvre progressivement. D'autres fois, la soft law est préférée parce qu'elle définit des procédures plus rapides et facilement modifiables. De plus, cette catégorie peut établir des lignes directrices ayant pour but de suggérer des règles de conduite, sans imposer des règles impératives, etc. Il y a plu-sieurs raisons qui sous-tendent le développement de la soft law et elles dépendent du contexte dans lequel il va évoluer. D'ailleurs, ces raisons d'être de la soft law qualifient le type de lien entre soft law et hard law.


En effet, le processus from soft law to hard law peut être justifié par différentes typologies de liens. Par exemple, lorsque la soft law relève comme un instrument du hard law, on peut détecter une relation de complémentarité entre les deux. Par ailleurs, si la soft law représente le hard law « in fiert », alors on a un lien de type évolutif. D'autres fois, la soft law est alternative au hard law, car l'une exclut l'autre.


Une fois encore, il est intéressant de noter le recours à cette dichotomie dans le cadre de l'IA.

Le 8 octobre 2020, à la suite de la publication du Livre blanc sur l'IA par la Commission européenne, quatorze pays de l'UE ont défini leur position sur la future réglementation de l'IA par un document conjoint. Ces pays ont exhorté la Commission européenne à adopter une approche de soft law sur l'IA.


Ils ont proposé à la Commission d'adopter des solutions non contraignantes comme l'autoréglemen-tation, l'étiquetage volontaire, d'autres pratiques volontaires ainsi qu'un processus de normalisation pour compléter la législation existante. Ensuite, ils ont justifié cette proposition en notant que la soft law peut permettre d'apprendre la technologie et d'identifier les défis potentiels associés à l'IA, étant donné que cette technologie est caractérisée par une évolution rapide. En revanche, une approche basée sur le hard law pourrait représenter une barrière pour l'innovation technologique.


Ainsi, ces pays interprètent la soft law comme un outil de governance européen complémentaire, qui vise à compléter la législation dejà existante.


Selon vous, pour l'IA se dirige-t-on vers des hard laws ou des soft laws ?

Le choix dépend de la culture juridique qui sous-tend le système juridique des pays qui sont appelés à traiter l'IA et aussi des objectifs à atteindre. D'ailleurs, il faut s'interroger sur la pertinence des voies juridiques par rapport à l'IA dans les différents domaines à traiter.


De manière générale, on peut constater qu'il y a une préférence pour la soft law puisque l'état de la connaissance de l'homme sur l'IA n'est pas encore assez avancé. Par conséquent, la soft law va jouer dans un premier temps un rôle important.


Quelles sont les instances internationales concernées ?

Plusieurs organisations internationales sont déjà intervenues: l'ISO (International Standard

Organisation) a développé des standards éthiques sur l'IA mais aussi l'IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers). De plus, l'ISO/IEC JTC1 SC/42 (une section d'ISO spécialisée sur l'IA), l'IEC (International Electrotechnical Commission), l'ITU (International Telecom Union) travaillent actuellement sur plusieurs aspects de l'IA. Toutes ces organisations ont un siège à Genève.


Par ailleurs, on peut observer dans le monde entier que de nombreuses autres institutions engagent des réflexions sur la question. Cette pluralité est due au fait que l'IA est de nature interdisciplinaire.


Ne devrions-nous pas séparer juridiquement 'IA de l'homme comme on l'a fait au XIXème siècle avec les entreprises (société anonyme) ?

Oui. Je trouve qu'il faut séparer l'IA de l'homme. C'est le chemin à suivre. Le point de départ est de concevoir l'IA dans son « unité fonctionnelle» et non pas de regarder ses diverses composantes.


Extrait de l'entretien avec Maria Assunta Cappelli dans le livre collactive CODE IA, 2021 pour le Manufacture Thinking

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