Une «mise à plat» de la Genève internationale

La crise du multilatéralisme impose une redéfinition des organisations liées à l’ONU présentes au bout du lac. Par Xavier Comtesse

Un article disponible dans l'AGEFI : https://agefi.com/actualites/opinions/une-mise-a-plat-de-la-geneve-internationale

La cité du bout du lac a vu le multilatéralisme et le «soft power» se développer tout au long du siècle dernier. Aujourd’hui, ces concepts sont remis en question par Donald Trump, Vladimir Poutine et sans doute aussi Xi Jinping. Le «hard power» est de retour.

Avec la remise en compte des institutions du multilatéralisme notamment à Genève, on aurait pu espérer que, dans le champ des relations internationales, une autre vision émerge. En fait non, il ne semble rester qu’une ancienne forme des affrontements, celle portée par les vieux rêves d’empires. «MAGA» («Make America Great Again») pour les Américains, la «Grande Russie» pour les Soviétiques ou les nouvelles «Routes de la soie» pour les Chinois. Les dirigeants du monde n’ont d’autres représentations que celle du passé.

Le besoin d’une réforme radicale

Nos politiciens suisses n’échappent pas à la règle. Genève s’apprête à contrer l’affaiblissement de la Genève internationale en finançant des institutions, notamment les ONG, afin d’atténuer la déroute, alors qu’une réforme radicale serait évidemment plus souhaitable.

Que signifierait d’ailleurs une telle réforme en profondeur: elle devrait toucher la structure et le fonctionnement des nombreuses organisations internationales (OI), agences des Nations unies, missions permanentes et ONG qui composent la Genève internationale. Ce ne serait pas une simple réorganisation de bureaux, mais une réévaluation fondamentale de leur mandat, leur gouvernance, leur financement, leur efficacité et leur pertinence face aux défis mondiaux actuels.

On pourrait envisager Genève comme une plateforme internationale qui favoriserait l’usage des technologies contemporaines comme l’IA. Ainsi tout en capitalisant sur la concentration d’expertises à Genève, un véritable laboratoire d’idées et de solutions pour la gouvernance mondiale pourrait émerger tout en repensant le rôle de la Suisse en tant que pays hôte, garantissant un environnement propice au bon fonctionnement de ces institutions.

Pourquoi une telle «mise à plat» est-elle nécessaire?

Le multilatéralisme est actuellement confronté à de nombreux défis et critiques avec la montée du nationalisme et de l’unilatéralisme: certains Etats privilégient leurs intérêts nationaux au détriment de la coopération internationale. Mais il y a aussi une crise de légitimité, la perception que certaines institutions sont inefficaces, lentes ou dominées par un petit nombre de puissances. Ces divisions géopolitiques favorisent des tensions entre grandes puissances entravant la capacité des organisations à trouver un consensus et à agir. De nombreuses crises multiples et interconnectées: les défis comme le changement climatique, les pandémies, les conflits et la pauvreté exigent des réponses globales et coordonnées que le système actuel peine parfois à fournir.

Une telle réflexion devrait servir à revitaliser le système multilatéral, de le rendre plus agile, représentatif et efficace pour relever les défis du XXI^e siècle. C’est un processus immense et politiquement très complexe, car il impliquerait des transferts de pouvoir et des réorganisations profondes, ce qui rencontre inévitablement des oppositions.

«Plus petit et plus agile, plus interconnecté et plus prospectif mais surtout efficace et moins cher», voilà les mots d’ordre nécessaires à cette mise à plat.

Par Xavier Comtesse