A Davos, «la collaboration à l’ère de l’IA» est passée à la trappe

WEF2025. Le thème officiel de la réunion du Forum économique mondial a été supplanté par des visions unilatérales, mais pas forcément pertinentes. Par Xavier Comtesse & Pascal Eichenberger

Un article disponible dans l'AGEFI : https://agefi.com/actualites/opinions/a-davos-la-collaboration-a-lere-de-lia-est-passee-a-la-trappe

Même si l’intelligence artificielle (IA) a été l’un des sujets les plus discutés à Davos la semaine dernière, il s’est avéré que tout le monde avait un avis bien tranché sur la question, mais personne n’a parlé de collaboration. On était plutôt dans la vision unilatérale, en tête les Etats-Unis avec une méga initiative à plusieurs centaines de milliards présentée par quelques entreprises isolées. Initiative qui n’a pas plu à Elon Musk. 

La discorde est notoire. A la manœuvre, l’absent de Davos, Donald Trump. C’est le temps des disputes. Cependant, on peut se demander si même cette histoire de gros bras, de concentration du pouvoir de l’IA dans les mains de quelques géants est la réalité.

En effet, si l’on analyse en profondeur le développement actuel de l’IA, on s’aperçoit que des start-up venues de nulle part ou presque sont capables de percer la carapace des géants. Il y a quelques années OpenAI n’était rien… comme aujourd’hui Mistral, Cerebras, DeepSeek, etc.

De plus, tout le monde peut désormais coder des agents IA avec les derniers outils mis à disposition. On parle désormais de «no code» pour désigner ce développement de l’informatique. Le jeu change, les cartes sont redistribuées. Un scientifique peut coder sa recherche, un employé peut se créer des agents IA pour faire son travail, un patron peut se faire conseiller par son IA personnel. Il y a donc une montée en puissance des non-informaticiens. Le résultat le plus probable: tout va être codé à nouveau, différemment et par la base. Cette prise de pouvoir sur le code est le véritable enjeu de l’IA, n’en déplaise à Davos.

On a quand même voulu en savoir plus en interrogeant une vingtaine de développeurs de la Suisse romande qui travaillent quotidiennement avec les outils IA.

Leur vision est simple: tout va changer (1) et très vite (2).

1. En fait l’IA permet vraiment de s’attaquer à tout: gestion, marketing, production, logistique, innovation, sciences, médecine, etc. Elle va tout réécrire: de la comptabilité (ERP) au marketing (CRM), de la découverte scientifique à l’innovation commerciale, de la production à la chaîne de distribution, etc. Elle passe tout en revue et transforme les procédures anciennes. Un tout nouveau monde émerge. Il autorisera tout un chacun d’écrire des programmes (notamment des agents IA) à partir du langage naturel. Le non-code tient sa victoire.

Derrière la mise en scène par les grandes puissances, il y a une multitude de développeurs professionnels et amateurs éclairés qui sont à l’œuvre du changement

Témoignages: Antoine Acker (Centre Assal-chirurgie du pied): «Je suis malheureusement incapable de coder... mais aujourd’hui avec ces nouveaux environnements IA, j’y parviens.»

Pierre-André Michel (HUG): «Je peux traduire n’importe quel vieux programme écrit dans n’importe quel langage pour le mettre en Python par exemple. Cela se fait rapidement et je réactualise tout.»

2. La vitesse de programmation est vertigineuse

Témoignages: Gabriel Klein (Vivent Biosignals): «Ma productivité de codeur a été multipliée par trois.» Stéphane Valente (IA Ariel): «J’ai accéléré ma production par cinq et encore on n’en est qu’aux balbutiements.»

Cette chronique démontre que derrière la mise en scène par les grandes puissances, il y a une multitude de développeurs professionnels (environ 30 millions au monde) et amateurs éclairés (certaines trois fois plus) qui sont à l’œuvre du changement. Avec l’IA ce n’est pas comme avec le nucléaire ou la conquête spatiale, il ne faut pas nécessairement avoir des investissements colossaux.

En tout cas, nous parions que, dans le cas de l’IA, nous avons déjà dépassé ce moment premier de la concentration des gros moyens, pour être maintenant celui du plus grand nombre. Cette technologie sera très rapidement accessible à tout un chacun. A méditer.

Par Xavier Comtesse & Pascal Eichenberger