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La Genève internationale face au déclin du multilatéralisme

Xavier Comtesse s'entretient avec Daniel Warner, ancien adjoint du directeur de l'IHEID.



Cet hiver, à l’ONU de Genève, les escaliers roulants ont été arrêtés, la bibliothèque fermée, les lumières éteintes et le chauffage réduit, autant de mesures d’économie annonciatrice d’un fin de règne?


Mais, que se passe-t-il vraiment dans la Genève internationale?

D’abord, en surface, il y a quelques chiffres spécifiques qui annoncent l’indiscutable déclin des organisations internationales (OI). Le nombre de séances de travail dans les OI qui était encore de 20.000 en 2018, chute à 15.000 en 2020, soit une diminution de 25%. Le nombre d’ONG qui avait été estimé à 750 autour des années 2000, est passé à 221 selon l’Office cantonal de la statistique en 2021. Le nombre des journalistes accrédités qui était encore de 150 en 2000, est tombé à 80 en 2019.


Ensuite l’activité dans certains domaines s’est ralentie considérablement comme par exemple à l’OMC. Aucun nouvel accord global multilatéral n’a été ainsi adopté à l’OMC depuis 2002. Les Etats-Unis bloquent le fonctionnement de l’organe d’appel en empêchant le remplacement des juges qui y siègent. Le Comité international de la croix rouge (CICR) est lui aussi en pleine crise financière qui s’est accompagnée d’une perte de 270 emplois sur Genève.


Ensuite, sur le fond, on assiste à une perte globale d’intérêt dans le multilatéralisme. Les principaux acteurs de ce changement sont bien sûr la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil mais aussi l’Afrique du Sud, et quelques autres… les BRIC+, comme on les appelle désormais, mais aussi les géants de la tech, qui ne sont que peu intéressés à la régulation internationale.


Pour en savoir plus, interrogeons Daniel Warner, observateur de la Genève internationale depuis plus de 40 ans, et ancien directeur adjoint de l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID).


Que se passe-t-il avec le multilatéralisme?

Après la Première Guerre mondiale, le multilatéralisme universel naît vraiment sous la forme de la Société des Nations à Genève. La paix est au centre des préoccupations. Elle n’évitera pourtant pas la montée du nationalisme.


Après la Seconde Guerre mondiale, on réinvente le multilatéralisme sous la forme des institutions onusiennes, et beaucoup d’autres organisations verront le jour à cette période comme le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale à Washington. C’est le renouveau du multilatéralisme. L’Amérique est le principal bailleur de fonds.


Après la chute du mur de Berlin, le multilatéralisme vit son moment d’euphorie. Les démocraties semblent avoir gagné, puis le 11 septembre 2001 replonge le monde dans la crise. Une polarisation extrême entre l’occident et le reste du monde commence alors. Cela annonce des temps difficiles. On est dans un moment antiglobalisation au niveau des relations internationales qui contrarie fortement le concept de multilatéralisme. Avec la montée du populisme les choses ne vont pas s’améliorer.


Faut-il craindre la fin de la Genève internationale?

Je ne poserais pas la question en ces termes. C’est plutôt: comment évoluer vers d’autres systèmes dans les relations internationales car le système actuel semble trop vieux pour être réformé. Les relations internationales ne vont pas disparaître, d’autres formes vont émerger.

Regardez le comportement des entreprises de la tech par exemple, qui se joue de la question de la régulation de l’intelligence artificielle (IA). Toutes les organisations se sont emparées de l’IA mais il n’y a pas de leadership clair, de la légitimité pour personne, même la bonne volonté de certains Etats n’est plus assez forte. Un autre exemple est bien sûr la question de la paix à Gaza et en Ukraine. L’ONU paraît bien faible à résoudre ces affrontements… une forme de déclin?


Article par Xavier Comtesse, publié dans l'AGEFI

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