L’IA renverse les règles de l’innovation en Suisse
- Philippe Grize
- 22 avr.
- 2 min de lecture
Une société postindustrielle prend forme. Le savoir est en son centre. Par Xavier Comtesse & Philippe Grize
Un article disponible dans l'AGEFI : https://agefi.com/actualites/opinions/lia-renverse-les-regles-de-linnovation-en-suisse
La Suisse qui a tout misé sur l'innovation pour rester un pays compétitif et prospère, doit rapidement comprendre que l'intelligence artificielle (IA) change la donne. En effet, celle-ci est transformationnelle non seulement en termes de rapidité, d’efficacité et d’organisation, mais elle permet un flux de découvertes tellement abondant que l’on fait face à un tsunami!
Un cas exemplaire: Isomorphic Labs est une start-up, issue du monde de Google, qui vient de s’installer à Lausanne. Elle découvre plus de molécules que n’importe quelle grande entreprise de la pharma. Son secret: de gigantesques bases de données et la puissance de calcul de l’IA.
Dirigée de Londres par le prix Nobel Sir Demis Hassabis, cofondateur de DeepMind, cette jeune pousse concentre un savoir en « machine learning » unique au monde dans le domaine de la santé. C’est l’avenir de toute la médecine qui se dessine. Leur IA appliquée permet des simulations numériques du comportement des protéines et simuler leurs interactions avec des molécules, ce qui devrait accélérer considérablement la découverte de médicaments.
L’intelligence artificielle permet d’extraire des propositions de découverte qu’il reste cependant à valider et commercialiser
Cet exemple a des conséquences sur le concept même d’une innovation. Désormais, le point de départ est l’accumulation de grandes quantités de données. Ensuite, l’IA identifie des modèles, des récurrences et des corrélations pour ensuite mettre en lumière des «évidences» qui apportent du «sens» et qui débouchent ainsi sur une innovation potentielle. C’est une inversion dans la logique même de l’innovation. Cela veut dire concrètement que la chaîne de l’innovation s’est inversée.
Jusqu’à présent, une innovation reconnue en tant que telle débutait par de longues phases de recherche fondamentale qui débouchaient sur une découverte scientifique, puis prenait la forme d’une invention appliquée avec la phase de validation sous forme de propriété intellectuelle, avant d’être commercialisée en tant que produit. Aujourd’hui, grâce à l’accumulation et l’analyse de grandes quantités de données, l’IA permet d’extraire des propositions de découverte qu’il reste cependant à valider et commercialiser. Le grand changement c’est que l’IA toute seule permet ainsi de générer de nouvelles connaissances.
Les politiques d’innovations, qui ont fait le succès de la Suisse, doivent d’être revisitées à la lumière de cette nouvelle réalité.
Une proposition en trois points permettrait de créer de nouveaux écosystèmes pour l’innovation en Suisse:
Faciliter l’accès aux formations pratiques à l’IA pour tous: élèves, apprentis, professionnels, en favorisant la compréhension et les compétences de programmation «no-code», car les barrières d’entrées aux développements d’applications numériques sont tombées à zéro ou presque;
Mettre à disposition des acteurs économiques de grandes infrastructures de calcul, comme Alps du Centre suisse de calcul scientifique (CSCS) à Lugano, et des bases de données multisectorielles;
Reconnaître et faciliter la circulation des nouvelles élites de l’IA par des structures nouvelles à mettre en place par la Confédération, les cantons, les écoles et les entreprises.
Cette proposition nécessite peu de financement et peut être rapidement mise en place grâce aux infrastructures et aux moyens déjà existants. Elle permettrait donc une transition rapide vers une société postindustrielle, celle de la société du savoir, constituante de l’innovation «par tous pour tous».
Par Xavier Comtesse & Philippe Grize